Les troubles des conduites alimentaires

Interview d’une nutritionniste

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Pour t’informer un peu plus sur les troubles du comportement alimentaire et leur prise en charge, on a décidé d’en parler avec une professionnelle de terrain. On te laisse découvrir son interview 🎤

FIL SANTE JEUNES : Bonjour Katherine. Est-ce que vous pourriez nous présenter votre travail en quelques mots ?

NOTRE INVITEE : Bonjour Fil Santé Jeunes !

Je suis diététicienne-nutritionniste en libéral. Classiquement, les diététicien·nes-nutritionnistes s’occupent de la nutrition, c’est-à-dire ce que l’on mange à la fois qualitativement (quels aliments on mange) et quantitativement (quelle quantité) et ce pour les problèmes de poids ou de troubles du comportement alimentaire.

Pour ma part, je travaille principalement avec mes patient·es sur leurs sensations corporelles avant, pendant ou après le repas ; sur la manière dont ils vivent plus ou moins bien avec leur corps ; ou encore sur les croyances qu’ils peuvent avoir concernant l’alimentation (par ex. : « je suis en surpoids car je manque de volonté »), sur les aliments eux-mêmes (« un régime sans sucre est bon pour la santé ») et leur corps (« pour ne pas avoir de problème de poids, je dois contrôler ce que je mange »).

Je reçois, dans le cadre de consultations volontaires des enfants, des adolescent·es et des adultes.

FIL SANTE JEUNES : Dans quel contexte est-ce que l’on peut consulter un·e diététicien·ne-nutritionniste ?

NOTRE INVITEE : Dès que l’on éprouve une souffrance en lien avec son alimentation ou son poids (que l’on se trouve trop ou pas assez gros·se) et que l’on souhaite être aidé·e.

FIL SANTE JEUNES : Rencontrez-vous régulièrement des personnes souffrantes des troubles du comportement alimentaire (TCA) classiquement définis : anorexie mentale, boulimie nerveuse et hyperphagie boulimique ?

NOTRE INVITEE : Bien que ça ne soit pas la majorité de mes patient·es, je reçois en effet des personnes qui souffrent de ces troubles du comportement alimentaire, notamment des personnes souffrant d’anorexie mentale ou d’hyperphagie boulimique (ce qui peut conduire à une obésité).

La boulimie nerveuse quant à elle est moins présente, ces patient·es présentant souvent un poids normal et relativement stable. En revanche, lorsque les crises alimentaires sont très fréquentes (par exemple plusieurs fois par jour), c’est à ce moment qu’elles demandent de l’aide et que je les rencontre dans mon cabinet.

FIL SANTE JEUNES : Lorsque des jeunes viennent vous voir, quels sont, le plus souvent, leurs demandes et leurs difficultés ?

NOTRE INVITEE : Ils se présentent en général en mettant en avant un problème de poids soit un surpoids ou une inquiétude à se voir maigrir. Ils me disent : « Je mange trop » ; « je n’ai pas envie de grossir » ; « je suis obèse » ; « je n’arrive pas à me contrôler », etc.

Ils n’utilisent pas de termes techniques tels que « anorexie » ou « boulimie ». Parfois, ces mots peuvent d’ailleurs être difficile à entendre pour eux. En fait leur poids est la conséquence d’une souffrance psychologique, elle-même conséquence de leur comportement alimentaire. Le travail que nous faisons leur permet de le comprendre.

Ainsi les troubles alimentaires fixent parfois toute l’attention des personnes concerné·es et peuvent alors servir d’écran : ils masquent une autre souffrance, qui va être à l’origine du trouble alimentaire. Par exemple, une anxiété très importante peut être soulagée par la consommation d’un aliment réconfortant. Les aliments les plus réconfortants sont les plus sucrés et les plus gras, ils génèrent de la culpabilité chez le mangeur qui cherche à les éviter pensant qu’ils le font grossir. Or c’est ce contrôle qui génère une hyperphagie et un problème de poids. Le mangeur va consommer ces aliments interdits en se disant que c’est la dernière fois et donc, comme c’est la dernière fois, il en mange beaucoup. Le contrôle alimentaire est donc une « cause » des problèmes de poids qui vont majorer l’anxiété.

Il est souvent difficile de retirer ce contrôle ; il faut aller au rythme de la personne.

FIL SANTE JEUNES : Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur la manière dont vous prenez en charge ces patient·es ?

NOTRE INVITEE : Par exemple, dans le cas de personnes souffrant d’anorexie, celles-ci consultent car elles aimeraient pouvoir manger de tout sans grossir, ou encore retrouver de l’énergie et vaincre leur fatigue. Mais là encore sans manger assez ou en restant en sous poids, ceci n’est pas possible. Il est nécessaire de les amener à un poids suffisant pour que leur corps fonctionne au mieux.

A ces demandes s’ajoutent des croyances, comme l’idée d’après laquelle « grossir » c’est tout de suite « devenir obèse ». Là encore, il est important de rester calme car c’est quasiment impossible.

Il est aussi nécessaire de travailler sur l’acceptation de soi, du fonctionnement de son corps et sur la levée du contrôle alimentaire et corporel qu’elles s’imposent. On travaillera le tout en leur tenant un discours de vérité : c’est un parcours qui peut être long et parfois difficile, qui nécessite des changements dans leur choix alimentaire, car il n’est pas possible de continuer à maigrir ou d’être en fort sous poids si l’on veut être en bonne santé. En parallèle un travail psychologique est nécessaire.

Pour les personnes en surpoids ou obèse, avec ou sans crise d’hyperphagie, la demande est une demande d’amaigrissement. Il s’agit là-aussi de travailler sur les croyances (« je suis gourmande » ou « je n’ai pas de volonté », « le gras fait grossir »). Il faut remettre à plat ces croyances sur soi et sur l’alimentation et vérifier si elles sont vraies (expériences). Il est important quand on lève le contrôle cognitif (compter les calories, contrôler les aliments) de l’alimentation de le remplacer par le contrôle sensoriel, c’est à dire travailler sur les sensations alimentaires, reconnaitre et respecter sa faim, repérer et reconnaître la satiété par exemple pour s’arrêter de manger quand je n’ai plus faim et non plus quand je ressens de l’inconfort, ou des ballonnements.

FIL SANTE JEUNES : Qu’est-ce que vous pourriez dire à un·e jeune qui a des difficultés avec son comportement alimentaire ou bien qui se trouve trop ou pas assez gros·se ?

NOTRE INVITEE : Il faut partir de soi, de la base de son alimentation et changer ce qui existe petit à petit. Par exemple, si je veux perdre du poids, il n’est pas utile de faire un régime ou de supprimer certains aliments mais au contraire, de partir de ce que je mange en réduisant les portions. Inversement, pour prendre du poids, je peux augmenter les quantités petit à petit.

L’important est d’être à l’écoute de ses sensations de faim, c’est-à-dire manger lorsque j’ai vraiment faim (sensation de creux désagréable) et m’arrêter lorsque la satiété se fait sentir (« je n’ai plus envie de manger », « ce que je mange a moins de goût »). Ces sensations alimentaires sont le reflet du besoin énergétique du corps et permettent d’amener au poids d’équilibre (génétiquement programmé)

Lorsqu’on est en surpoids, la pratique d’un sport peut aussi être utile, pas tellement pour maigrir comme on l’entend souvent, mais plutôt pour s’éloigner des placard (et donc de la tentation !) et évacuer des émotions qui peuvent être à l’origine de troubles du comportement alimentaire. On sait que certaines personnes mangent pour gérer des émotions ou un stress, par réconfort.

FIL SANTE JEUNES : Et à un·e ami·e, qu’est-ce que je pourrais lui dire pour l’aider ?

NOTRE INVITEE : Il n’est pas utile de lui donner des conseils nutritionnels ou conseiller des régimes car le plus souvent, les gens savent ce qu’il faudrait faire, comment et quoi manger, etc. Le plus important serait plutôt de reconnaître la souffrance de l’autre et l’importance que ce problème prend pour lui en se montrant empathique : « c’est une situation difficile, tu dois souffrir ».

Après quoi, on peut orienter vers des professionnel·les qui peuvent aider : diététicien·nes-nutritionnistes, psychologues, médecins, etc.

 

FIL SANTE JEUNES : C’est une transition parfaite pour conclure ! Si les jeunes qui nous lisent ont besoin d’aide, ils savent vers qui se tourner. On peut bien-sûr ajouter à cette liste le numéro de Fil Santé Jeunes (0800 235 236).

Merci Katherine pour votre temps et vos réponses.

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