Je suis ADOpté-e

L’interview du mois : L’association « La voix des adoptés »

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adoptionCéline Giraud a été adoptée par des parents français à l’âge de 16 jours. Jeune adulte, elle décide de partir à la recherche de ses origines et a retrouvé sa famille biologique péruvienne en 2004. Elle a écrit avec Emilie Trevert  son histoire dans le livre « J’ai été volée à mes parents ». En 2005, avec l’aide d’une amie adoptée, elle fonde l’association  « La voix des Adoptés ».

Bonjour Céline, en 2005, vous avez crée une association « La voix des adoptés ». Pouvez-vous nous la présenter ?

La Voix des Adoptés est une association ouverte à toutes les personnes adoptées quels que soient leur âge et leur pays d’origine. Nous proposons un « partage d’expériences » autour de notre vécu. Cela prend différentes formes : « conviviales » autour d’un repas, « sérieuses » avec des groupes de parole qui ont un thème et sont animés par une psychologue elle-même adoptée. Nous avons aussi des ateliers « recherche d’origine ». Ils sont l’occasion d’avoir des informations pratiques, de s’interroger sur sa motivation, de parler de ce à quoi on s’attend, de ce qui fait peur… Certains membres actifs vont aussi témoigner de leur expérience auprès de parents adoptants et de professionnels.

Avez-vous l’impression que les ados adoptés vivent une adolescence différente des autres ados ?

Le temps de l’adolescence est pour moi le même que l’on soit adopté ou non : c’est une période où tout le monde se cherche, se construit. Mais, le fait d’être adopté vient en plus poser la question de ses origines au moment où justement on se cherche déjà soi. Cette quête de soi peut donc prendre une teinte particulière quand on est adopté et les questions sur son origine peuvent perturber cette recherche de soi.

Pensez-vous qu’être ADOpté peut avoir une incidence sur leurs relations aux copains/copines ?

Oui, le fait d’avoir été séparé de sa mère biologique peut laisser des traces inconscientes même si on ne se souvient de rien. Le corps du tout petit « n’a pas compris ». En grandissant, les souvenirs inconscients de cette séparation peuvent venir perturber les relations avec les autres. Avec les copains et les copines, on peut avoir l’impression que l’on n’est « pas aimable », que personne ne peut nous aimer, se sentir triste ou en colère sans savoir pourquoi. Derrière, il peut y avoir une peur et un sentiment d’abandon en amitié comme en amour. On peut tester inconsciemment les personnes que l’on aime pour être sûr qu’il ou elle va rester. Cela peut même aller jusqu’à se rendre détestable et là, il y a un risque de cercle vicieux : celui du sabotage qui va venir nous conforter dans l’idée que l’on n’est pas aimable et que ce serait normal qu’on nous laisse tomber, à nouveau… « J’avais raison, il/elle ne m’aime pas ! ».

Quelles sont les questions que les jeunes adoptés peuvent se poser ?

« A qui je ressemble ? », « Pourquoi moi ? », « Qu’est-ce qui s’est passé avant ? ». Ces questions peuvent déclencher un désir de recherche, pour savoir ce qui s’est passé pour l’adopté avant l’adoption et pendant le parcours des parents adoptants. L’avant est comme un trou noir, même si on en connait certains éléments. Le pourquoi est peut-être la question la plus forte.

La recherche des origines est-elle systématique ?

Non. Cette recherche peut être l’objet d’un désir dès l’enfance, apparaître à l’adolescence, à l’âge adulte voire beaucoup plus tard, ou pas. Se poser des questions peut initier cette recherche, mais ces questions peuvent aussi rester juste là.

Comment ces questions et cette recherche peuvent-elles être vécues par l’adolescent et sa famille ?

Elles sont vécues d’autant mieux s’il existe une confiance réciproque avec sa famille adoptive, c’est-à-dire si on se sent écouté, approuvé, soutenu. Aujourd’hui, beaucoup de familles adoptives savent que ces questions existent, elles y sont sensibles et connaissent leur importance pour l’ADOpté.

Et vous, quels mots auriez-vous envie de dire aux adolescents qui se posent des questions ?

J’aurais envie de leur dire que la recherche de ses origines, c’est toujours quelque chose qui va venir bouleverser sa vie. Il faut être prêt, accompagné, soutenu. C’est important de s’être déjà trouvé soi car il y a souvent des histoires dures derrière celle de l’adoption. Quand on est déjà un jeune adulte, les questions sur qui on est ne sont plus aussi centrales qu’à l’adolescence. On est peut-être moins fragile et on peut chercher à répondre à celles sur notre origine, « d’où on vient ». C’est important d’être prêt à affronter quelque chose qui surprendra toujours.
J’ai aussi envie de leur dire qu’il faut faire très attention aux réseaux sociaux. Cela peut vraiment être très destructeurs, cela peut aller très vite : on se lance seul à partir de quelques éléments dans une recherche et on peut se retrouver très/trop rapidement face à une réalité à laquelle on n’était pas préparé. Ce peut être très violent.

Vers qui peuvent se tourner les adolescents pour qui c’est compliqué ?

Tout d’abord vers la personne en qui ils ont le plus confiance, pas forcément quelqu’un de la famille. C’est important de pouvoir parler sans être jugé. Du côté des professionnels, peu sont formés aux spécificités liées à l’adoption, mais la démarche peut être tout de même positive. Dans notre association, nous avons des professionnels de l’écoute qui sont eux-mêmes des adoptés. La Voix des Adoptés a aussi une cellule spéciale pour les adolescents « planète ado »,  avec une adresse mail où ils peuvent poster des messages. Derrière, ce sont deux éducateurs spécialisés qui leur répondent et échangent avec eux afin de les aider à avancer dans leur réflexion, leurs blocages ou encore dans leur questionnement.

Tous nos remerciements à Céline Giraud. Retrouvez toutes les informations sur l’association « La voix des adoptés ». logo_vda

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