Violences sexuelles

L’interview : l’association Appart’74

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Katy Leuenberger et Julie Huissoud, travailleuses sociales au sein de l’Appart’74, service basé sur le Bassin Genevois (Haute-Savoie), se sont prêtées au jeu de l’interview en répondant à nos questions. Nous les remercions pour leur collaboration !

1- Pouvez-vous nous présenter l’association l’Appart’74 ?

L’Appart’74 est un service social destiné aux personnes en situation ou en risque de prostitution. C’est l’association ALTHEA (Accueil et Lieux de Transition, d’Hébergement, d’Ecoute et d’Accompagnement)  qui gère ce service ainsi que celui de Grenoble. L’Appart’74 a ouvert en septembre 2010, c’est donc un service jeune qui s’implante tout doucement dans le secteur.

2- Quelles sont vos missions ?

L’accueil, l’écoute et l’accompagnement des personnes en situation ou en risque de prostitution. Il s’agit surtout d’un accompagnement social dans la proximité et la durée. Nous accueillons des hommes, des femmes, des majeurs ainsi que des mineurs.

Mais nous avons aussi d’autres missions comme la prévention auprès des jeunes et auprès de publics repérés comme fragiles, ainsi que la sensibilisation à destination des partenaires et des professionnels tout comme le soutien aux professionnels face à une situation difficile liée à la prostitution.

3- Comment travaillez-vous la prévention, surtout auprès des plus jeunes ?

On est associé depuis peu à un collectif local, ACROSTICHE, qui monte des actions de prévention dans les collèges et lycées de la région. La thématique de la prostitution n’est pas abordée directement car elle peut être trop violente mais c’est plutôt l’éducation à la sexualité qui est abordée. Les relations garçons/filles, l’égalité, le respect, les limites sont des thèmes permettant éventuellement d’évoquer (ou pas) la prostitution. Certains jeunes y associent eux-mêmes la prostitution, d’autres non.

Pour ce qui est des outils, on en a développé certains et on en utilise qui existent déjà. Ca peut être un support vidéo (Itinéraire Bis, Démo à la clé), une discussion à partir d’un film, un jeu de société…
On construit des outils en fonction des partenaires et de leurs demandes. Les discussions sont plus faciles à partir d’un support. On peut également moduler et adapter les supports.

4- Quels types d’aide les jeunes majeurs (18-25 ans) demandent-ils ?

Tout d’abord, venir demander de l’aide est très difficile. La prostitution a cela de paradoxal qu’elle permet de ne pas avoir à demander d’aide. C’est un moyen de se débrouiller seul, c’est la « débrouille » comme disent les jeunes. Cependant ces jeunes ont besoin d’être soutenus par le service et en même temps, ils ont envie de garder leur autonomie.

A cela s’ajoute qu’il faut du temps pour se sentir en confiance et parler de son vécu. C’est pourquoi les demandes sont essentiellement des demandes de réinsertion sociale (logement, formation, emploi). Bien souvent, ceux qui viennent nous voir connaissent déjà notre service et ce que l’on peut leur proposer.

5- Quels sont les facteurs qui peuvent entraîner un(e) jeune dans la prostitution ?

Il ne faut surtout pas généraliser mais certains facteurs se retrouvent de façon assez systématique. Souvent le milieu familial est compliqué (mère seule, père absent, voire un abandon dans l’enfance, des maltraitances subies…). Il y a des carences affectives importantes. Les jeunes en errance qui ont quitté le domicile familial ou ont fugué suite à un placement sont également des personnes présentant une certaine fragilité et peuvent avoir recours à la prostitution pour obtenir un semblant de sécurité.

Le milieu culturel peut aussi avoir une incidence. Par exemple, si la famille rejette une homosexualité, le jeune peut se retrouver en situation d’exclusion et de rupture familiale.

6- Observez-vous de nouveaux types de prostitution ?

On parle beaucoup de prostitution étudiante mais dans notre service nous n’en n’avons pas rencontré. Cependant, elle existe mais elle est très difficile à quantifier et à analyser car nous disposons de très peu de données. Les étudiants ne viennent pas dans un service comme le nôtre car ils n’assimilent pas du tout leur activité à de la prostitution. Or c’est bien de ça dont il s’agit.

Chez les jeunes, on entend de plus en plus parler de troc sexuel. Ce sont des rapports sexuels au sens très large (fellation) contre du matériel comme un MP3, un jean, un téléphone (pas forcément de l’argent). Ce phénomène se développe et ces pratiques à risques peuvent conduire à la prostitution, ce que les jeunes ne voient pas comme tel.

Il y a Internet qui se développe aussi énormément. C’est un moyen de mettre en lien probablement des mineurs avec des clients. On va de plus en plus vers de la prostitution d’appartement alors que pendant longtemps on avait surtout affaire à de la prostitution de rue.

7- Quand la prostitution devient-elle un problème ?

Pour nous, la prostitution s’accompagne de souffrance. Elle est plus ou moins conscientisée, c’est tout. Quand le corps devient un outil de travail, quand le rapport au corps est aussi altéré c’est qu’il y a souffrance. La prostitution n’est pas un métier comme un autre, c’est un recours, c’est-à-dire quand il n’y a pas d’autre choix.

Il est difficile de savoir le moment où les personnes considèrent la prostitution comme un problème. Les difficultés rencontrées au quotidien, l’isolement, conduisent souvent les personnes jusqu’à l’Appart’74. Elles peuvent alors avoir besoin d’en parler, mais le tabou et la peur du jugement font qu’il est parfois difficile de franchir la porte d’un service comme le nôtre. Cela prend du temps.

8- Voyez-vous des points de comparaison (ressemblance ou différence) entre la prostitution masculine et la prostitution féminine ?

A nouveau, nous ne voulons pas généraliser, mais on constate que pour les garçons, il y a vraiment une question par rapport à l’identité et à l’orientation sexuelles. Pour certains d’entre eux, la prostitution est un moyen pour pouvoir vivre leur homosexualité, en particulier quand le milieu familial y est hostile. Mais attention ! Nous ne sommes pas en train de dire que tous les homosexuels se prostituent, il ne faut pas généraliser !
Quelque soit le sexe de la personne qui se prostitue, ce sont généralement des clients masculins.

Coordonnées de l’Appart’74 :
16 rue de Vallard
Bâtiment B1
74240 Gaillard
04 50 37 91 07
06 42 34 29 65

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