Violences sexuelles

Interview coordinatrice prévention de l’Amicale du Nid

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La prostitution est parfois banalisée comme s’il s’agissait d’une activité comme une autre, voire carrément idéalisée comme l’occasion d’une émancipation. La réalité est souvent bien différente ! Madame Corcella est coordinatrice prévention de l’Amicale du Nid dans le 92/75, une association qui aide les personnes en situation de prostitution. Elle a accepté de répondre à nos questions pour nous informer au mieux sur la prostitution et ses conséquences. Bonne lecture !

Fil Santé Jeunes : Bonjour Mme Corcella. Pouvez-vous nous dire, en quelques mots, en quoi consiste votre travail ?

Mme Corcella : Oui bien-sûr. D’abord, j’exerce des fonctions de coordination des actions de prévention auprès de mineurs et jeunes majeurs au sujet de la prostitution. Ces actions permettent d’aborder cette question pour améliorer les capacités à repérer ces situations de danger pour eux et pour les autres.

Nous menons également des actions de sensibilisation/formation auprès de professionnels qui travaillent auprès de différents publics.

Enfin, j’accompagne des personnes ayant connu ou qui connaissent encore la prostitution.

Fil Santé Jeunes : Notre dossier du mois est consacré à la question de la prostitution et, plus généralement, au fait d’utiliser son corps comme un moyen d’échange pour obtenir de l’argent bien-sûr mais aussi de l’attention, de l’affection, etc. Avez-vous l’impression que les jeunes sont suffisamment sensibilisés à ces questions ?

Mme Corcella : Non malheureusement. Parfois, la compréhension même de ce qu’est la prostitution n’est pas claire. La prostitution concerne le fait d’échanger des actes sexuels contre autre chose : de l’argent mais pas que ! Ça peut être des « cadeaux » (vêtements, sacs….), un logement, etc. Ajoutons que la prostitution n’est pas une « expérience sexuelle » mais bel et bien une violence !

Fil Santé Jeunes : Quel regard les jeunes portent-ils sur la prostitution ? Est-ce qu’ils pensent que c’est une activité « comme une autre », ou au contraire très tabou ?

Mme Corcella : Lorsque nous intervenons auprès de mineurs, notamment en milieu scolaire, ce n’est pas un sujet particulièrement « tabou » pour eux, si un espace de parole est ouvert, ils s’en saisissent et en parlent.

En revanche, ils sont assez touchés par les représentations qui traversent la société entre « prostitution choisie » et « prostitution forcée » ; c’est-à-dire d’un côté une vision romancée de la prostitution avec des personnes qui maîtriseraient ce qu’elles font, le feraient par plaisir et atteindraient un bon niveau de vie et, de l’autre, des personnes qui n’auraient pas choisies et subiraient complètement leur sort. Il est important ici aussi de rappeler que la vision romancée de la prostitution est très largement une fiction…

Fil Santé Jeunes : Lorsqu’un.e jeune vous parle de sa situation, que lui dites-vous pour le/la rassurer, l’aider et l’orienter au mieux ?

Mme Corcella : Il est assez fréquent que les jeunes banalisent leur discours afin de se protéger de la violence de ce qu’ils vivent (« c’est pas si grave » ; « après tout, c’est moi qui l’ai choisi » ; « il y a pire ailleurs » ; etc.). Dans ce cas, une première chose à faire est de déconstruire ce discours et d’amener la victime à prendre conscience de la violence que représente la prostitution.

Lorsque la violence est reconnue, on prend le temps d’informer les jeunes sur les conséquences de la prostitution : traumatismes psychologiques, marginalisation, mise en situation de dépendance par rapport aux proxénètes, etc. et d’orienter vers les structures adaptées (soutien psychologique par exemple).

Un soutien en lien avec le dépôt de plainte peut également être proposé. Personne n’a le droit de contraindre une autre personne à se prostituer. Or c’est bien de cela qu’il s’agit : de personnes malveillantes qui en prostituent d’autres, souvent vulnérables psychologiquement ou socialement. La police est donc là pour protéger les jeunes qui sont victimes. Les acheteurs d’actes sexuels sont aussi punissables par la loi d’autant plus quand les victimes sont mineures.

Enfin, il arrive que les victimes de prostitution se sentent coupables de parler de leur situation. Elles se sentent prises dans des conflits de loyautés par rapport à leurs ami.e.s encore en situation de prostitution qu’elles laissent derrière eux.elles ou encore par rapport au « lover boy » cette personne qu’elles aiment mais qui s’avère être un proxénète … C’est essentiel de les soutenir dans leur démarche, insister sur le fait qu’avant de dénoncer les autres, elles se protègent !

Fil Santé Jeunes : On voit beaucoup se développer sur internet les techniques de grooming, c’est-à-dire de tentative pour entrainer, via les réseaux sociaux, les jeunes vers la prostitution. Comment les aider à repérer ces pratiques et les déjouer ?

Mme Corcella : En général, les recruteurs savent s’y prendre pour présenter la prostitution de manière sympathique et sans conséquence : d’après eux c’est un truc qu’on maitrise, qu’on arrête quand on veut, qui permet l’émancipation grâce à l’argent qu’on se fait, etc. Malheureusement c’est loin d’être aussi simple. La prostitution n’est pas sans conséquences sur sa santé physique et psychique et il devient vite très difficile d’en sortir !

Quand on écoute les jeunes, on constate que la situation d’emprise s’est mise en place petit à petit. Ils disent souvent qu’ils ont eu très tôt l’intuition d’un truc pas clair, de quelque chose qui n’allait pas… Dans ces moments, il faut se faire confiance ! De même, lorsqu’on sent que le recruteur, soit disant pour notre bien, cherche à nous isoler, à nous éloigner des nos ami.es, famille et qu’il demande de garder secret ce qui se passe, attention ! c’est mauvais signe.

Fil Santé Jeunes : S’ils ont besoin d’aide pour se sortir de la prostitution, vers qui les jeunes peuvent-ils se tourner ?

Mme Corcella : D’abord, rappelons que la prostitution est strictement interdite chez les mineurs et qu’ils doivent être protégés, leur situation relève donc de la protection de l’enfance. Si un mineur est donc confronter à de la prostitution, il peut trouver de l’aide auprès du 119 par exemple, ou encore de Fil Santé Jeunes. S’il a besoin d’être soutenu dans ses démarches pour franchir le pas, il peut se tourner vers un adulte de confiance, dans l’idéal quelqu’un sensibilisé à ces questions (par exemple un.e assistant.e social.e) ou vers des associations spécialisées. Dans ce cas, le signalement de la part de l’adulte est obligatoire.

Les jeunes peuvent aussi trouver de l’aide sur le site Je ne suis pas à vendre. Enfin, qu’ils n’hésitent pas à en parler autour d’eux, notamment à des ami.e.s de confiance ! En tout cas, qu’ils ne restent pas seuls !

Fil Santé Jeunes : Imaginons que je sois un.e jeune de 16 ans et que je pense qu’un.e ami.e à moi se prostitue. Comment est-ce que je peux l’aider ?

Mme Corcella : Une première chose qu’on peut remarquer, c’est l’isolement. Si votre ami.e s’éloigne et s’isole sans explication, parfois jusqu’à la déscolarisation, c’est pas très bon signe. Il y aussi quelques signes matérielles : changement de numéro de téléphone fréquent, acquisition d’objets de grande valeur, votre ami.e a soudainement de l’argent et se met à payer le restaurant, des activités etc.

La prostitution est le symptôme de quelque chose : un mal-être, des violences subies, une mésestime de soi, etc. Si un.e de vos ami.e.s présentent ces signes ça ne veut pas dire qu’il.elle se prostitue, mais qu’il.elle est « à risque » et qu’il.elle a besoin de soutien alors prudence.

Fil Santé Jeunes : Merci Madame Corcella pour vos réponses !

Pour en savoir plus, n’hésite pas à consulter le site de l’Amicale du Nid et/ou le site très clair Je ne suis pas à vendre. Et, surtout, en cas de besoin, ne reste pas seul.e : appelle-nous !

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