Accepter ou m’opposer : ai-je le choix ?
Chaque histoire, chaque famille, chaque personne est différente. Il est difficile de généraliser ce qui pourrait être ressenti dans une situation où il y a un risque de mariage imposé.
Accepter même si on ne le veut pas, refuser au risque de se retrouver isolée et rejetée ; nous sommes au coeur du choc culturel. Il n'y a pas de bonnes réactions face au mariage forcé. Juste la peur, la souffrance, la difficulté d'imaginer qu'il pourrait même, peut-être, y avoir le choix...
Nous vous proposons deux histoires de vie, différentes parce que l'une des jeunes filles a décidé d'accepter ce mariage qu'on a décidé pour elle, même s'il s'oppose à sa vie d'aujourd'hui, à ses envies et à ses rêves, et l'autre, qui le refuse, tout en sachant le danger que cet affront représente.
Pourtant, ces deux histoires sont proches parce qu'elles racontent avant tout l'isolement, la difficulté que certaines peuvent rencontrer alors qu'elles ne sont encore que des ados devant assumer une place traditionnelle de femme.
J'accepte mais...
Elle a 18 ans, un amoureux, ils ont déjà fait l'amour. Elle a perdu sa virginité, elle se sentait prête à cela, et, d'un coup, le doute. Elle sait qu'elle est promise à un homme qu'elle connaît à peine. Elle va partir au pays dans quelques mois et veut quitter son petit copain actuel. Pourtant elle l'aime, elle ne veut pas partir, mais elle est forcée de le faire. En plus, elle a peur qu'au mariage on se rende compte qu'elle l'a fait , que son futur mari la jette ou qu'elle n'est plus le droit de rien faire.
Ce qu'elle imagine l'angoisse beaucoup. Elle n'a pas encore envisagé qu'elle pourrait refuser et qu'il existe des aides au cas où elle déciderait de quitter sa famille et le destin qui a été tracé pour elle et sans elle. Elle ne savait pas non plus qu'il existe une opération qui consiste à reconstruire l'hymen, c'est à dire à se refaire faire une virginité au cas où elle se marierait...
Je refuse mais...
Elle a 16 ans, elle veut s'enfuir de chez ses parents. Elle sait qu'ils veulent la marier contre son gré, de force à un vieux. Cela voudrait dire pour elle, qu'elle renoncerait à ses rêves de mariage d'amour et surtout aux études. Elle voudrait être plus tard avocate, amoureuse, indépendante...
Mais voilà, si elle part sa famille sera déshonorée. Elle n'a que 16 ans et elle se dit que si elle s'en va, elle sera à la rue et que ce ne sera pas mieux qu'être l'épouse du vieux de trente ans. Les gens risquerait de la regarder comme une fille facile, sans principe. Elle se sent seule et à l'impression que sa vie va un peu s'arrêter, qu'il faut qu'elle renonce déjà à ses rêves.
Pourtant, à 16 ans, elle pourrait se faire aider par des travailleurs sociaux. Ils pourraient alors aussi envisager de lui trouver un autre lieu de vie que chez ses parents au cas où cela se passerait mal. Elle ne savait pas qu'il existait des lois qui protégeaient les femmes et les mineures, que l'état ne laisse pas des adolescents dans la rue et que, pour plus tard, il y a aussi des aides financières pour continuer des études quand les parents ne peuvent pas ou ne veulent pas les payer.
Tout choix est difficile et implique des conséquences. Où que vous en soyez dans votre réflexion, quel que soit votre choix nous pouvons vous écouter, n'hésitez pas à nous appeler.
« J’ai accepté le mariage pour que mon père ne marie pas ma petite sœur à ma place, ai-je pris la bonne décision ? » ; « Comme je suis homosexuel-le, selon mon père si je cède, alors l’honneur de ma famille sera sauf ; est-ce la seule solution ? » ; « J’ai dit oui pour que mes parents ne me renient pas, est-ce le bon choix ? ».
Le choix de la famille
Un mariage forcé est un mariage qui n’est pas consenti, pas choisi. Même si nos parents ont toutes les bonnes raisons du monde pour que cette union se fasse, ce n’est pas notre choix. On y est contraint, obligé.
En France et à l’étranger, la Loi protège le consentement des personnes. C’est-à-dire que le mariage forcé est illégal. Mais lorsque l’on vit avec sa famille, que l’on entretient des liens d’affections, des relations profondes avec ses parents, que l’on partage certains principes avec eux depuis tant d’années, même si on n’est pas d’accord avec ce projet de mariage, il n’est pas toujours évident de s’y opposer. Il est souvent même très difficile de faire un choix.
Je suis d’accord, j’accepte ce mariage
Tes parents tiennent absolument à ce que tu épouses cet homme-là, et pour des raisons qui t’appartiennent, cela ne te pose pas de problème. Même si c’est ta famille qui t’a choisi ton futur époux, les raisons pour lesquelles tu te maries (par exemple pour payer moins d’impôts, pour fonder une famille, obtenir des papiers, par amour, faire plaisir à tes parents, ou encore pour ne pas vivre seul-e, etc…), comptent pour toi, et tu es d’accord, tu acceptes.
Dans cette situation, on n’est pas dans le cas d’un mariage forcé… parce qu’il est consenti. Même s’il ne s’agit pas d’un mariage d’amour, même s’il est arrangé, personne ne force personne à se marier ; c’est la situation la plus facile à vivre parce qu’elle ne nous tourmente pas après coup. C’est notre projet à nous aussi.
Je ne suis pas d’accord, je refuse ce mariage
Ta famille t’a choisi un mari mais, là encore pour des raisons qui t’appartiennent (tu ne l’aimes pas, tu ne le connais pas, ou tu es trop jeune, ou bien encore tu n’en as tout simplement pas envie), il est hors de question que tu acceptes de te marier avec lui/elle. Tu t’y opposes.
C’est une situation très compliquée parce que souvent notre première crainte est la réaction de nos parents. En effet refuser ce projet c’est prendre parfois le risque d’être rejeté-e, renié-e par sa famille. C’est aussi prendre le risque d’être en conflit permanent avec elle, voire d’être malmené-e physiquement, psychologiquement. Cela peut être une vraie souffrance.
Alors pour parer aux réactions de la famille, on trouve des stratégies : certaines jeunes filles tombent enceinte précocement, d’autres font des fugues fuyant leur famille, d’autres encore se tournent vers des associations qui militent pour les droits des jeunes ; celles-ci peuvent par exemple les aider à obtenir une ordonnance de protection.
A travers ce refus, on peut avoir le sentiment de sauver sa dignité, de s’affranchir, de grandir ; mais comme on ne suit pas les désirs de ses parents, on s’oppose à eux, il y a comme une partie en nous qui s’éteint, et ça nous fait réfléchir. Il ne faut pas hésiter à en parler à une personne de confiance ou un professionnel de santé, qui saura accueillir nos doutes et notre mal-être.
Je ne suis pas d’accord mais j’ai décidé de céder (j’accepte malgré moi)
Tes parents t’ont trouvé un-e futur-e mari/femme, tu n’es pas du tout d’accord pour l’épouser, mais tu décides d’accepter, tu cèdes.
Pour te convaincre, ils s’appuient par exemple sur des textes religieux qu’ils instrumentalisent, ils te disent que tu risques d’être stérile si tu n’as pas de rapport sexuel tôt, que comme tu es déjà enceinte le « qu’en dira-t-on » guette toute la famille, que tu es en échec scolaire, ou que tu n’as pas, selon eux, une orientation sexuelle « convenable ». Alors tu acceptes… enfin tu ne dis pas « non », tu ne refuses pas explicitement, tu te tais pour avoir la paix ou pour les protéger. Mais au fond de toi c’est un vrai déchirement : partagé-e entre ton désir de liberté et le bonheur, l’honneur de tes parents, tu es au cœur d’un véritable conflit de loyauté.
Céder ce n’est pas consentir ; le mariage est un véritable engagement (à vie normalement) qui, s’il est forcé, peut être à l’origine d’un mal-être : en effet, à travers ce mariage, on peut perdre son autonomie, l’estime qu’on a de soi-même, avoir le sentiment d’être trahi-e par sa famille ou mal aimé-e car nos parents ne cherchent pas notre propre bonheur. De plus des rapports sexuels non choisis, non consentis, peuvent être vécus comme des viols, ce qui peut être très traumatisant.
Alors pour échapper à cette ambivalence et aux doutes, on trouve des stratégies pour faire un choix. Par exemple, on décide d’accepter le mariage pour ensuite espérer divorcer et disposer de sa vie ; on se dit alors qu’il s’agit d’un mariage de raison. En tant que jeune fille on prend discrètement une contraception pour ne pas tomber enceinte de cet homme qu’on ne veut pas, etc….
Si on est confronté à ce genre de situation, pour éviter qu’elle ne nous fragilise davantage, il ne faut pas hésiter à appeler Fil Santé Jeunes pour avoir du soutien, ou à contacter une association spécialisée dans ces questions-là.